Dimanche 20 octobre

 

L’heure du petit déjeuner a été décalée à 9h…une petite grasse matinée…à 10h20 nous devons être partis pour la messe. Le « maxi » taxi est arrivé dès 10h et à 10h25 tout le monde est dedans. Direction la New Hope Baptist church, uptown. Nous arrivons 20mn plus tard, la messe n’est qu’à 11h, alors nous en profitons pour nous promener dans le quartier en essayant de faire des petits groupes pour ne pas passer pour les touristes de base que nous sommes !

Nous passons un bloc et me voilà nez à nez avec le Club des Young Olympians…. Nous étions donc dans le même quartier un peu chaud l’autre soir pour voir le Hot 8 !! Je savais que l’église était dans un quartier chaud mais pas tant que ça… Certaines maisons sont très délabrées, d’autres tout juste rénovées et puis quelques parcelles sont gazonnées mais vide de toute construction, souvenir d’une catastrophe passée, l’eau ici pouvait avoisiner les 2 mètres de profondeur…

Retour à l’église, l’accueil y est toujours aussi chaleureux, nous nous installons sur les bancs du fond. Les préposés au placement et à la distribution des programmes nous demandent d’où nous venons, ce que nous faisons à New Orleans avec bienveillance. L’un d’eux demande à Guillaume le nom du groupe..il lui demandera de l’écrire car il faut bien dire que Fonk’farons est un mot assez imprononçable pour les locaux !

Le trio de musicien (basse 6 cordes, batterie et orgue) entame la musique et un tout petit choeur de 6-7 personnes entonne quelques airs de gospel. Ça chauffe déjà ! Les solistes envoie tranquillement mais nous sommes déjà saisis par l’intensité et la foi avec laquelle ils interprètent tous ces chants religieux. A l’arrière on sent que quelque chose se prépare, il y a comme un frémissement et bientôt ce sont quelques dizaines de femmes et d’hommes en costumes identiques qui se massent là. Le pasteur prend alors la parole et nous expliquent que voici presque 70 personnes venues de Caroline du Nord, ils viennent de perdre leur pasteur et la congrégation de New Hope, les sachant en ville les a invité à se joindre à l’office. Les voilà donc qui descendent l’allée et s’installent derrière le pasteur dans ce quasi hémicycle réservé au choeur. Une bande son démarre, plutôt « variété », mais super bien ficellée…Le soliste et puis le choeur se met en route et tout ça vous emmène, l’impression que le cœur monte, l’air se bloque en haut des poumons pleins…comme d’habitude, aucune résistance n’est possible, les larmes coulent d’elles même…le plein d’énergie forte, de ferveur, de sons bien arrangés, de prêches habités…on a beau ne pas tout comprendre, la musique omniprésente et bien arrangée, les chanteurs solistes tous meilleurs les uns que les autres, les choeurs pleins, larges et puissants…tout ça vous transporte..vous manipule ???…à méditer, mais le plaisir est là !

 

Le prêche du jour commence…nous nous éclipsons par petits groupes et le taxi vient nous récupérer. Un passage éclair à l’India pour se changer et déposer les pulls dont nous n’aurons absolument plus besoin aujourd’hui et nous voilà en route pour rejoindre le départ de la 2nd Line des BMOL (Black Men Of Labor) qui fêtent aujourd’hui leurs 20 ans.

Mais tout prêt du but nous sommes arrêtés..un cortège passe devant nous. C’est la second line du Treme Fest dédiée aux femmes. En effet, ici c’est le mois de lutte contre le cancer du sein (un ruban rose croisé en est le symbole). Nous décidons de descendre du taxi et de nous joindre à la second line. Il y a là 4 brass bands dont le Pinette BB en tête de cortège, un brass composé uniquement de femmes, et puis 3 autres où l’on reconnaît des musiciens des stooges, du hot 8 …Nous restons quelque temps à regarder les différents danseurs des socials clubs (celui où les femmes se déguisent en petites filles, celui où elles portent des masques, le Big 7, etc). Rendus en haut du quartier de Tremé nous quittons le cortège pour rejoindre le départ des Black Men Of Labor.

Nous traversons de jolis quartiers avec quelques belles maisons en bois, des shotguns comme ils appellent (des maisons tout en long sans couloir où les pièces se suivent et si l’on tirait sur la façade avec un fusil, la balle traverserait toutes les cloisons pour ressortir derrière).

Au départ de la second line c’est l’effervescence. Les barbecues sur remorques chauffent, les gens s’agitent pour placer les dernières décorations, le trottoir a été peint en rose ( toujours en rapport avec le mois de lutte contre le cancer du sein), des drapeaux décorent les poteaux électriques, une bâche a été placée comme chaque année avec la photo de l’année dernière. Ils font ça tous les ans alors on peut y avoir toutes les années !

Comme nous sommes en avance nous prenons le temps de manger un BBQ, smoked sausage pour certains et Ghetto Burger pour les autres, est il bien la peine de vous dire que la sauce barbecue est très relevée ???

Kenneth Terry, le trompettiste leader du Treme BB fait son tour tranquile, Julius le sousa arrive précipitamment, il est en retard et l’un des membres du social club lui fait remarquer..tous les membres du BMOL se placent devant la bâche pour la photo, il y a là Benny Jones, le patron du Treme BB, Bruce Sunpie, Park Ranger responsable de la programmation musicale du parc devant la cathédrale et membres d’autres cercles comme les Bones (un club qui se déguise en squelettes et qui vient très tôt le matin de mardi gras frapper à votre porte pour vous effrayer!). Certains portent des mats au bouts desquelles on peut voir les 4 lettres du B-M-O-L.

Les gens se massent devant la porte du social club, des odeurs d’herbe et surtout d’encens emplissent l’atmosphère, les tambours africains se mettent à jouer (doun-douns et djembé) bientôt le Treme Brass Band prend le relais et les second-liners s’électrisent !

C’est la sortie un à un de tous les membres du club, chacun faisant son show plus ou moins dans le groove physique minimaliste gros cigare à la bouche ou à l’extrême inverse dans un débauche de danse endiablée. Ce club a été formé très récemment pour revendiquer des valeurs plus saines avec un retour aux sources africaines revendiqué dans les tenues aux tissus africains très classe et avec les lettres des représentations de masques africains.

La second line est lancée, tout le monde se met en mouvement et les gens autour dansent, boivent, fument, jouent, s’amusent… le défilé n’est pas très rapide mais le groove est bien là. Au milieu du Treme BB nous retrouvons Calvin Johnson et Juicy du TBC, le band est étoffé de recrues supplémentaires pour l’occasion. Kenneth, toujours aux avant postes de la fanfare, jamais très loin de Benny, en costume de BMOL, qui lui fait le lien entre les danseurs et l’orchestre. Au cours du défilé les esprits s’échauffent parfois, les porteurs des lettres avancent trop vite par rapport aux musiciens et aux danseurs, mais tout cela est très bon-enfant. Quelques fois des groupes de motards exposent leurs engins sur le bord de la parade, nous passons dans les rues de Treme, shotgun et doubleshotgun et autres maisons plus conséquentes. Arrêt funeral devant un lieu que je n’ai pas identifié mais qui pourrait bien être la maison d’Uncle Lionel Batiste, le grosse-caissiste vedette du Treme BB à qui est dédié une ombrelle géante ornée d’une mini grosse-caisse. Un passage devant le Candelight Lounge (le club du Treme BB) et aussi, puisque c’est au bout de la rue, le Speakeasy de Kermit Ruffin (ancien Trompette vedette du Rebirth qui sévit maintenant avec son propre groupe les Barbecue Swingers). Après plus de 2 heures de parade nous décidons de rentrer à l’India. Il est presque six heures et à 8h je viens d’avoir la confirmation que nous sommes conviés par Walter Harris et son Big Chief à assister à un Indian Practice, sorte de répétition-démonstration des gangs de black indians mais sans les costumes afin de préparer le Mardi Gras Indian.

Petit repos à l’India et c’est le départ d’une majorité d’entre nous pour l’indian Practice. J’ai eu Walter au téléphone, qui ne pourra être là car il joue au Preservation Hall, et qui nous a conseillé de prendre un verre et de s’asseoir pour observer sans déranger. En descendant du streetcar à l’angle de canal et Galvez nous nous enfonçons dans une rue pas très éclairée mais nous sommes en groupe. La vérité, je ne suis pas très rassuré car je ne sais pas à quoi va ressembler cet endroit et comment se déroule ce genre de soirée. Les indiens ont une culture de guerrier…Nous passons devant un semblant de garage avec quelques personnes que je ne préférerais pas croiser seul la nuit..et puis voici le bar « green room » . Un groupe est là dehors et tout de suite l’un deux, habillé en pantalon noir, chemisette blanche et cravate, vient à notre rencontre « vous venez pour l’Indian Practice non ? Entrez, entrez dans le bar ! » Ouf…accueil plus que bienveillant, ils ont du être prévenus de notre venue, je lui dit que je suis un ami de Walter Harris et lui demande si Big Chief Ato Fayo sera de la partie, il me dit qu’il viendra certainement en cours de soirée. A l’intérieur, tout est vert, mais vert passé, vert kaki, une sono au fond crache du r’n’b pop très fort et au plafond tourne des boules lumineuses comme dans une boite de nuit de seconde zone… Nous commandons quelques bières et nous asseyons en attendant qu’il se passe quelque chose…prequ’une demi-heure s’écoule et d’un coup la sono s’éteint, deux grosse-caisse sont placées à plat sur des chaises et le « indian Red » est lancé..ça y’est c’est partit et petit à petit le bar s’emplit à vue d’œil, les indiens affluent et s’agglutinent tambourins à la main autour des tambours. « OO na né » est lancé, un des indiens chantent au milieu du groupe et autour tout le monde lui répond « oo na né », ça chauffe, ça s’échauffe, j’ai l’impression que tous les hommes qui entrent ici tambourin à la main ou sous le bras sont tous batis comme des armoires à glaces normandes…ou des videurs de boite…A un moment, un homme entre dans le bar et s’approche de la piste, 3 personnes le rejoingnent de son côté et en face, le groupe d’indiens s’ouvrent pour laisser apparaître celui qui nous avait accueilli à notre arrivée. Il s’en suit une sorte de pièce de théâtre improvisé..il s’approchent l’un de l’autre, s’éloignent brutalement, dansent chacun de leur côté, l’un face à ses 3 compères, l’autre en tapant du pied à la manière des taureaux avec leurs sabots lorsqu’ils vont charger… Serait ce le spyboy qui s’approche du groupe, le flag boy, et cette femme est elle sa queen…En tout cas on sent qu’il se règle des choses, qu’ils s’intimident les uns les autres, qu’ils se cherchent…c’est du théâtre oui, mais il y a un fond tout à fait réel, ils ne jouent pas la comédie, tout cela est bien réel et je ne sais comment une telle soirée se finit…car les gars me tirent de là en m’appellant à plusieurs reprises…je suis littéralement scotché comme on dit…cette culture me parle, ça ne fait qu’amplifier mon envie d’en apprendre plus, d’en partager plus…

Mais il est l’heure, nous devons y aller. Les Fonk’farons sont invités ce soir à jouer au Blue Nile pendant la pause du TBC. Passage à l’india prendre les instruments, appel de taxis suffisamment grands pour embarquer tous le matériel et nous voilà rendus pour 22h sur Frenchmen. Les TBC ne sont pas là..le show d’avant tarde en longueur pour ne finir qu’à environ 22h20… Paul vient d’arriver, montre aux gars où poser le matériel derrière la scène, la loge se réduit à une sorte de couloir. Je m’éclipse et me balade sur Frenchmen, mais pas par hasard. J’arrive au spotted cat et je commende une bière pour y écouter le groupe qui joue. Kevin Louis est à la cloche et attrape ensuite sa trompette. C’est l’intervenant de mardi et j’ai mon idée derrière la tête. Le show se finit et je file direct sur lui. Il me reconnaît tout de suite avec un grand sourire. Je lui glisse que les gars vont jouer au Blue Nile ce soir et que ce serait bien qu’il vienne les écouter. Il me promet de passer, c’est à 100m plus bas de la rue. Je continue mon petit tour en bas de la rue et en passant devant Maison, je tombe sur Jeremy, un ancien Nantais installé ici, qui prépare son clavier pour jouer avec son groupe Soul Project. Il me dit de proposer aux gars de venir boeufer quand ils veulent après leur gig, je lui dit qu’ils joueront aussi demain à Chickie Wah Wah, à peine son matériel monté il joue et ce que je prends pour une balance est en fait le début du premier morceau, ça enquille direct !

Retour au Blue Nile, le TBC est là, ils attaquent leur set, ils sont très nombreux sur scène plus de 12 me semble t’il, et avec 2 gars aux cloches à main qui n’arrêtent pas de jouer et l’on entend comme un débit permanent de double croches en plus de la rythmique…Je croise Boubou qui me dit qu’ils mangent juste à côté, je les rejoints et là..on mange « frais », un truc qui fait un bien fou avec salade, fromage frais et autre légume dans un wrap…super !

C’est bientôt la pause au TBC, ils s’arrêtent et annoncent la venue des français. Branchement de la guitare d’Eddy, un petit line-check sur les micros du TBC que les gars vont utiliser et c’est partit ! La piste s’est vidée à la pause mais petit à petit les gens reviennent et commencent à s’enflammer sur la piste à mesure que les morceaux se suivent et poussent un peu plus ! Les membres du TBC aussi sont revenus écouter et opine du chef ! Mission réussie, le Tip-jarre (la boite à pourboires) que Paul a fait circuler est plein…

Nous restons un peu pour le 2nd set du TBC, mais la fatigue nous gagne et à part Alex qui se lance dans un battle avec Eric le trompettiste aux suraigus incroyables et qui restera sur scène pour tout le set nous rentrons nous coucher…la journée fut longue !!

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